L’Agence nationale pour la sécurité du médicament vient de publier une mise en garde portant sur les risques d’allergie liés aux médicaments à base d’alpha-amylase. Selon l’ANSM, ces médicaments utilisés dans le traitement des maux de gorge bénins pourraient entraîner des allergies très graves. Elle a donc exigé que ces médicaments soient retirés de la liste des médicaments librement accessibles dans les pharmacies.
Les médicaments concernés
Quatre spécialités pharmaceutiques sont concernées par cette mesure. Ce sont Maxilase®, Alpha-amyalse®, Alfa-amylase Top Pharm et Alpha-amylase Biogaran®. Ces médicaments contiennent tous de l’alpha-amylase, une enzyme qui hydrolyse les polysaccharides à longue chaîne, tels que l’amidon et le glycogène.
L’α-amylase a démontré son efficacité à dégrader les biofilms bactériens polymicrobiens en hydrolysant les liaisons α (1-4) glycosidiques au sein des exopolysaccharides matriciels structurels. La substance est donc utilisée dans certaines spécialités médicales.
Disponibles sous la forme de sirop et de comprimés, ces médicaments permettent de traiter les maux de gorge bénins chez les enfants et les adultes. Jusqu’ici, ils étaient disponibles en libre accès dans les pharmacies françaises. Désormais, leur achat est soumis à l’approbation du pharmacien.
Des allergies graves signalées
Trois cas d’allergies graves dont un mortel, ont été signalés depuis 2013. Les données indiquent que ces spécialités peuvent induire chez certaines personnes un choc anaphylactique qui est la forme d’allergie la plus grave.
Le choc anaphylactique ou anaphylaxie est une réaction allergique grave dont l’apparition est rapide. Il peut entraîner la mort. Il provoque généralement une éruption cutanée irritante, un gonflement de la gorge ou de la langue, un essoufflement, des vomissements et une hypotension artérielle. Ces symptômes surviennent généralement dans un intervalle qui va de quelques minutes à quelques heures après l’ingestion de l’allergène.
Cette réaction ne concerne bien sûr pas tous les patients. Mais chez les personnes allergiques à l’alpha-amylase, la prise de ces médicaments pourrait donc facilement entraîner la mort.
Un risque confirmé par la recherche
L’exposition professionnelle à la farine de céréales et aux additifs associés a été identifiée comme un facteur déterminant de la sensibilisation à l’allergie et des symptômes respiratoires chez les travailleurs de la boulangerie (asthme de boulanger).
Les recherches ont permis d’identifier plus de 30 allergènes qui ont été caractérisés et soumis au Comité de la nomenclature des allergènes de l’Union internationale des sociétés immunologiques. Les allergènes les plus importants signalés dans les cas d’asthme du boulanger appartiennent au groupe des α-amylases et aux inhibiteurs de la trypsine.
Outre les farines de céréales, d’autres additifs tels que les améliorants de pâte à base d’enzymes, ont été identifiés comme sensibilisants des voies respiratoires dans les boulangeries. L’alpha-amylase fongique issue d’Aspergillus oryzae est une enzyme qui décompose l’amidon en sucres simples lors de la levée du pain. Les travailleurs des grandes boulangeries qui manipulent des améliorants de panification tels que l’α-amylase sont sujets à des pathologies telles que l’asthme du boulanger, la rhinite et d’autres symptômes allergiques
Renforcement du rôle consultatif des pharmaciens
Désormais, les spécialités médicales contenant de l’alpha-amylase seront rangées derrière le comptoir, de sorte que les patients fassent la demande au pharmacien avant de les acheter. En prenant cette décision, l’ANSM donne l’occasion aux pharmaciens de conseiller le client avant qu’il fasse son achat. Le pharmacien pourra notamment indiquer au patient les risques d’allergie liés à ce médicament. Il pourra lui parler des symptômes par lesquels on peut reconnaître une réaction allergique et lui dire la conduite à tenir face à une telle situation.
L’ANSM a d’ailleurs envoyé un courrier à l’ordre des pharmaciens afin de l’informer des nouvelles dispositions relatives à la vente des spécialités pharmaceutiques contenant de l’alpha-amylase. Ces derniers sont chargés de faire remonter tous les cas de réactions allergiques signalés par les patients.doc25|center
Mettre fin à la banalisation des médicaments
Les allergies liées aux médicaments contenant de l’alpha-amylase remettent sur la table le débat concernant les médicaments sans prescription médicale obligatoire. Le fait de ne pas requérir de prescription médicale fait que certains patients finissent par banaliser ces médicaments. Ils les mettent dans leurs paniers tout comme ils le font pour les dentifrices et d’autres produits cosmétiques.
L’ennui est qu’un médicament n’est pas et ne doit pas être un produit de consommation ordinaire. Les principes actifs des médicaments peuvent occasionner des effets adverses chez certaines personnes. L’un de ces effets est l’allergie. Il est donc nécessaire que les professionnels de la santé gardent un œil sur la consommation des médicaments.
Récemment, la Haute Autorité de la concurrence avait souhaité que les médicaments ne requérant pas d’ordonnance soient vendus dans les grandes surfaces comme les supermarchés. Rappelons que c’est le cas dans de nombreux pays anglo-saxons. Toutefois, les cas d’allergies liées aux alpha-amylases nous rappelle que cette banalisation peut parfois être fatale.
Des médicaments loin d’être nécessaires
Enfin, cette affaire remet en question les comportements des patients qui se tournent automatiquement vers la médication au moindre symptôme. Si on prend le cas des médicaments à base d’alpha-amylase, ceux-ci ne guérissent rien. Ils ne font qu’améliorer le confort du patient. Des maux tels qu’un mal de gorge ou un rhume ne nécessitent réellement pas la prise de médicaments. L’application de mesures d’hygiène élémentaires suffit pour en venir à bout.
Déjà en avril 2019, la revue médicale Prescrire avait conseillé de retirer les médicaments à base d’alpha-amylase des rayons des pharmacies. Selon ses propos, cette spécialité pharmaceutique peut être valablement remplacée par les bonbons à sucer, ainsi que les boissons glacées et chaudes. Un mal de gorge ne requiert, selon elle, pas nécessairement de réponse médicamenteuse.
Les médicaments contre les maux de gorge sont donc à prendre désormais avec précaution, car ils peuvent provoquer des effets secondaires susceptibles d’entraîner la mort. Toutefois, il faut que ces allergies ne touchent pas tout le monde. La susceptibilité à une allergie est sous l’influence à la fois de facteurs génétiques et environnementaux. Les patients sont désormais invités à faire attention aux réactions qui surviennent après la prise d’un médicament à base d’alpha-amylase. En cas d’effets secondaires graves, il faut immédiatement contacter un médecin. Vu que ces médicaments ne sont pas indispensables, une bonne idée serait de les éviter dans la mesure du possible.